BNP Personal Finance et les prêts toxiques « Helvet Immo »

C’est un problème de financement de la défiscalisation immobilière sur fond de catastrophe financière. Le tribunal vient de condamner BNP Personal Finance à verser entre 100 et 150 millions d’euros de dédommagement à 2300 clients ayant bénéficié de prêts immobiliers indexés sur le franc suisse. Retour sur un dossier atypique, tant par le nombre de plaignants que par le montant demandé à la banque.

Des prêts en franc suisse que l’on peut rembourser en euros

En 2008 et 2009, les taux des prêts immobiliers oscillaient entre 4,50 % et 5 %, avec des variations fréquentes. La loi Borloo a été remplacée par la loi Scellier. Pour quelques mois encore, l’immobilier de défiscalisation a le vent en poupe, avant que le ralentissement économique ne frappe.

Certaines banques proposent des formules spéciales pour faire face à un marché concurrentiel. BNP Paribas, à travers ses filiales Cetelem, Invest Immo, et UCB, courtise les particuliers pour leur proposer d’investir dans l’immobilier avec le prêt « Helvet Immo » : un prêt à taux variable sur 100% de la valeur du bien payé en francs suisses et remboursé en euros. Un produit qui permet d’obtenir un taux d’intérêt supérieur à celui du marché. Du moins pour l’instant.

Il s’agit de la « meilleure solution du marché », selon un document de BNP Personal Finance destiné aux partenaires professionnels, daté de mars 2008, qui utilise un « prêt innovant à un taux très compétitif » Les mensualités sont fixées sur cinq ans. Les frais de change sont ajoutés à chaque mensualité et correspondent à l’échéance calculée en francs suisses après conversion en euros. Cependant, la mensualité est réévaluée en fonction de l’évolution de la parité franc suisse/euro. Et les choses commencent à se gâter à partir de là.

Avant de signer leur prêt, de nombreuses personnes ignorent qu’elles prennent un risque de change. Pendant des années, la monnaie suisse a été stable en 2008 – 2009. Le franc suisse est considéré comme une « valeur refuge », car il fait partie des actifs vers lesquels se tournent de nombreux investisseurs lorsque le marché s’effondre. Cependant, peu après l’éclatement de la crise de 2008 – 2010, l’euro a chuté et le franc suisse a augmenté.

Selon les termes de l’accord, cinq ans après la souscription, les paiements mensuels sont ajustés en fonction de l’évolution du taux de change. C’est un réveil glacial.

« Helvet Immo » : est-ce que c’est risqué ?

Un franc suisse valait 0,62 euro à la mi-2008. Une famille qui emprunte 100 000 euros à « Helvet Immo » obtient en pratique un prêt d’environ 161 000 francs suisses.

Entre 2008 et 2011, la valeur de l’euro s’est effondrée par rapport au franc suisse. Entre 2012 et 2014, sa valeur a chuté de près d’un tiers. Il faut aujourd’hui payer plus de 0,80 euros pour chaque franc suisse de capital restitué. À partir de 2015, le franc suisse a dépassé les 0,90 euros. Le capital collecté de 161 000 francs suisses équivaut à 145 000 euros aujourd’hui, soit 45 % de plus qu’avant (dans notre exemple). Les gens continuent d’augmenter leur niveau d’endettement malgré leurs paiements.

De nombreux consommateurs se retrouvent dans une situation délicate, tournent en rond pendant longtemps et finissent par ne pas réussir à rembourser le prêt parce qu’il ressemble au tonneau des Danaïdes.

D’autre part, la revente du logement financé n’est pas une option viable pour en sortir. D’une part, l’administration fiscale pourrait requalifier les investissements en loi Scellier ou Borloo et imposer des pénalités aux emprunteurs qui n’ont pas payé leurs impôts (la durée minimale de location n’étant pas respectée). D’autre part, en raison de l’évolution « magique » des taux de change au fil du temps, le capital restant à rembourser est supérieur à la valeur du bien immobilier après de nombreuses années de remboursement. C’est une impasse.

Un défaut d’information à propos des risques au niveau de ces prêts

Plus de 4 600 familles ont contracté pour plus de 800 millions d’euros de prêts « Helvet Immo ». Au total, plus de 4 700 ménages ont emprunté pour environ 800 millions d’euros de dettes immobilières helvètes. Ils ont déposé une plainte auprès du procureur de la République en 2015. Les magistrats ont constaté que les contrats étaient particulièrement incompréhensibles au cours d’une enquête qui a duré quatre ans. La banque était accusée de ne pas avoir expliqué correctement le risque de change lié à un prêt libellé dans une monnaie étrangère.

Les particuliers sont pourtant bien informés des dangers que représente BNP Personal Finance. L’affaire avait en outre été confirmée par la Cour de cassation française en février 2019 dans le cadre d’un procès civil. La banque a également déclaré avoir mis en place une disposition permettant aux emprunteurs d’échanger leur remboursement de crédit contre des euros tous les cinq ans. Certains emprunteurs ont saisi cette chance.

Toutefois, le tribunal a reconnu que les souscripteurs avaient été induits en erreur au moment de la souscription. Il a également constaté que BNP Personal Finance n’a pas cherché à trouver une solution pour aider ses clients à rembourser leurs dettes. Cet argument a été étayé par un témoignage accablant. Selon l’UFC Que Choisir, une directrice régionale de BNP PF Île-de-France a été menacée après avoir informé ses supérieurs des risques de ces prêts en 2015.

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